Avec un cabaret de travestis drôle et poignant et neuf superbes danseurs faisant surgir des états d’être à la beauté crue, la scène nationale annecienne ouvrent deux entrées impressionnantes dans l’univers ultrasensible d’Alain Platel . Chorégraphe acclamé sur les scènes actuelles, génial metteur en scène d’une humanité bigarrée ou créateur des ballets C de la B, la troupe belge populaire, inventive, turbulente qui ne cesse d’accoucher de nouveaux talents ? L’homme est d’abord un inconditionnel amoureux de l’humanité qui commet des spectacles inclassables qui nous mettent au bord des larmes, de joie et d’émotions. Cette semaine à Bonlieu, il nous livre tour à tour une pièce de danse minimaliste et un spectacle haut en couleurs avec talons aiguilles,froufrous et femmes fatales. Imaginez un lieu hors du temps où créer de nouveaux rapports entre nous.
Est cet espace où les intérêts, les rapports de pouvoir, les intentions ont disparues. Là les danseurs ôtent leurs vêtements comme on enlève les apparences et des nouveaux gestes surgissent dans la nudité pudique des corps en sous-vêtements.
il y a Vanessa Van Durme comédienne et auteur ovationnée à Avignon, qui a d’abord été un garçon, Alain Platel et un 3è complice Frank Van Laecke, surnommé le magicien pour la diversité de ses talents. Ensemble, ils créent Gardenia, une pièce crue et tendre sur les vies plurielles, les histoires vraies et incroyables de Vanessa, Griet, Gerrit, Girt, Dirk, Danny, Rudy, Andréa et Timur. Chacun d’eux a vécu plusieurs vies et passé la dernière dans un ghetto en sécurité. Récit des plus intimes de vies incroyables, la pièce sonde l’existence houleuse de neuf individus qui se sont transformés pour survivre. Ils pourraient être des chats résolument libres, ils sont ces fleurs exquises qui se régénèrent tous les trois ou quatre ans mais ne s’acclimatent pas à l’intérieur, des gardénias. Dans une revue éclatante, ils nous confient leur existence. On dirait des stars, superbement sexy. Ce sont 9 personnes fabuleuses qui nous font rire et pleurer sur une musique populaire. C’est joyeux, troublant, exaltant et tellement tendres qu’on voudrait toutes les prendre dans nos bras. On fait le plein de tout ce qui nous tient en vie : l’amour, le goût de l’autre, le frottement des différences, la beauté des êtres.
Qui fait briller la beauté des singularités et réveille l’envie d’être ensemble. Alain Platel livre à Bonlieu deux nouvelles créations ovationnées à Avignon et des personnes si singulières qu’on veut les prendre dans les bras.
ALAIN PLATEL
Metteur en scène né en 1956, à Gand, Belgique qui ne cesse de renouveler les formes de la danse.
En 1984, orthopédagogue de formation et autodidacte en tant que metteur en scène, il crée avec des amis et des membres de sa famille une troupe fonctionnant en collectif, les Ballets C de la B qu’il propulse au sommet international. En Belgique et Ailleurs, cette troupe bigarrée, populaire, anarchique, engagée est acclamée pour ses productions exubérantes, dévergondées qui aborde toutes les formes d’art vivant et prend pour devise. Cette danse s'inscrit dans le monde et le monde appartient à tous. En 2000, Alain Platel présente VSPRS, une pièce d’une beauté hallucinante /vision sublimée de la folie et la défaite. Elle est saluée comme un chef d’œuvre au point de jonction de l’art et du social. La danse d'Alain Platel part du chaos intime et réinvente le mouvement. Elle tire sa beauté d’une foi inébranlable dans le collectif.
LES BALLETS C de la B (Gand/Belgique)
Troupe créée par Alain Platel en 1984, est à présent une compagnie se faisant régulièrement acclamer en Belgique et ailleurs. Au fil du temps elle a adopté une structure de plate-forme de travail réunissant plusieurs chorégraphes. Aux côtés d'Alain Platel y figurent Christine De Smedt et Koen Augustijnen. Hans Van den Broeck et Sidi Larbi Cherkaoui en font également fait partie.
Chorégraphe acclamé crée l’événement à Bonlieu du 30 novembre au 4 décembre 2010.
Votre danse est de plus en plus proche de la vie. Utilisez-vous la scène pour mettre en œuvre des états d’être si intenses qu’on ne peut pas en parler ?
ap : Oui, la danse est le parfait moyen d’exprimer cette zone grise que l’on ne peut pas dire avec les mots. Le comportement verbal permet cela. Pour moi, la scène est ce lieu d’urgence où plein de choses qui se sont passées dans différents temps dans la vie et ont été parfois vécues par des personnes différentes, peuvent se réunir en un temps réduit dans un même espace. C’est un formidable concentré de vie. 1 h 30 pas plus c’est le temps de concentration possible pour le public qui le reçoit.
Quel point de vue ce 2 pièces ouvrent-elles sur votre travail ?
ap :
Il est très intéressant de voir qu’Out of Context et Gardenia sont 2 spectacles très différents et se ressemblent beaucoup. Gardenia raconte l’histoire de 7 transsexuels âgés qui font le bilan de leur vie. Ils témoignent de ce qui leur est arrivé. Out of context est une pièce plus abstraite. On voit des gens venir de la salle et enlever leur vêtement sur le plateau pour établir quelque chose de plus vrai. Ils ne sont pas nus mais en sous-vêtements, dans une nudité pudique beaucoup plus sensuelle où les danseurs se révèlent moins à l’aise et beaucoup plus fragiles. Pendant 1 h 30, ils expérimentent. C’est un espace en dehors où l’on peut témoigner de rapports autres. Très intéressant de voir que ces deux spectacles sont très différents et se ressemblent beaucoup.
Chacune de vos pièces est un incroyable moment d’échange dont on ressort différent. Quels types de relation mettez-vous en œuvre avec le public et les danseurs ?
ap : Avec Out of context j’ai travaillé pour la 1re fois avec 2 metteurs en scène. Ce fut étrange de voir à quel point on était proches, les mêmes goûts, les mêmes choix. C’est aussi nouveau pour moi de travailler pendant 5 ans, avec les mêmes danseurs. C’est très invitant à continuer ces échanges tellement généreux. Je me sens grandir par les choses que les danseurs me donnent, c’est une nourriture.
Propos recueillis par Carine Bel
ZEROQUATRE N°10
notre dossier : "Publions les artistes"
...........................
CARINEBEL
STUDIO
4 rue de la tour
F-74940 Annecy-le-Vieux
Tél. +33 (0)4 50 60 47 63
Mob. +33 (0)6 76 32 18 33
carinebelstudio@gmail.com