Salves
création danseIl s’agit d’organiser nos pessimismes, d’ouvrir une faille dans cette inertie terrible qui n’arrive pas à se mettre en résistance. La résistance et la solidarité se font dans le noir, dans la clandestinité. On n’a pas le droit et pourtant comment on se positionne ? La pièce se passe dans des lieux différents, dans le quotidien des vies de chacun. On ne voit que des cas particuliers qui coexistent. Partout cette faculté humaine qu’est l’amitié, est affectée. On cherche quelque chose qui peut toucher chacun. On a particulièrement travaillé sur le jonglage. Comment on peut faire passer quelque chose ? La pièce parle de la transmission, de construire ensemble.
On entend des bruits de guerre, des trains qui passent, des voix d’enfant… Denis Mariotte a travaillé le son par couches qui se superposent. La matière sonore donne l’épaisseur des choses. Quelque part, il y a la guerre, ailleurs quelqu’un en train de boire une menthe à l’eau dans un café. Tout cela dans une grande indifférence. Les moments se juxtaposent, les images s’entrecoupent, la situation de fragmentation donne le vertige. Là, on tente de tisser quelque chose, faire du lien, trouver un rapport. La pièce marche par ruptures comme au cinéma. On monte des plans, des séquences. La lumière donne le rythme. Il y a le noir et le silence, des gens qui s’affairent, seuls, à deux ou à plusieurs. J’ai voulu traiter le tragique avec de l’humour. Dans la catastrophe, il y a un côté drôle, de l’absurde, du cynisme. Cela rend les choses légères, ouvre des portes pour s’échapper, lézarder. Le public sort de la pièce, joyeux.
La création est un temps spécial. Il y a l’idée de départ puis la pêche aux hypothèses qui se passe dans la matière même du spectacle. Je travaille plus sur des actions, des corps en mouvement dans l’espace, que sur des chorégraphies. Après j’observe ce qui surgit et les éléments s’agencent. Je ne retouche pas mes pièces. Quand elles commencent à être jouées, la création est finie, je me repose. J’aime bien le silence. Passe une grande partie de mes journées à lire des sciences humaines. Je reste en prise avec ce qui se passe dans le monde, lis les journaux mais pas tous les jours.
MAGUY MARIN, figure incontestée de la danse contemporaine.
SALVES : pièce créée au petit théâtre du TNP de Villeurbanne le 13 septembre 2010 dans le cadre de la Biennale de la danse de Lyon 2010. Durée 1h10.
Conception Maguy Marin . en collaboration avec Denis Mariotte . les interprètes Ulises Alvarez, Romain Bertet, Kaïs Chouibi, Teresa Cunha, Mayalen Otondo, Jeanne Vallauri, Vania Vaneau . assistant . Ennio Sammarco . direction technique et lumières Alexandre Béneteaud . conception et réalisation du dispositif scénique Michel Rousseau . éléments d'accessoires Louise Gros avec Pierre Treille . réalisation des costumes Nelly Geyres . son Antoine Garry
Attentat poétique magistral, Salves soulève l’enthousiasme du public et des critiques sur son passage.
Le monde éclate et nous ? On reçoit un souffle d’espoir prodigieux. Sur le plateau, des gens s’affairent sous des rafales d’images et de sons. Ils bougent, agissent ou tirent un fil. Autour, on entend des tirs de mitraillettes et un chœur qui chante une prière. On voit défiler un portrait d’Elvis, un Picasso, un poilu de la guerre 14, la statue de la liberté ou une photo incongrue de Vladimir Poutine et Georges W. Bush admiratif devant une œuvre d’art. Les icônes tombent, le monde se fracasse et des hommes et des femmes vaquent à leurs occupations. Tout se passe dans la quasi-obscurité. La pièce avance comme une tornade qui agit par saccades, s’amplifie, lance des éclairs. Les lieux et les temps se superposent et se déversent en un flot continu. En 1 heure, c’est le monde et un siècle entier qui passent devant nous.
BRAVOURE/AMOUR
Il est question de bravoure, de rapport amour haine, d’attachement, de discorde. Bref, de tout ce qui fait du lien entre les êtres. On est face à un échantillon d’humanité, où on en apprend sur nous et les autres, l’état du monde dans lequel on vit et ce peu d’emprise que l’on a sur les événements et le cours des choses. Ici ou là, on observe des objets qui passent d’une main à l’autre. Dans un décor de tables gigognes où la catastrophe est omniprésente, des brides de solidarité se mettent en œuvre.
COMEDIE BURLESQUE
C’est une comédie burlesque, une course vertigineuse et une clarté d’une beauté absolue qui strie le noir d’images stupéfiantes. Avec son complice Denis Mariotte et 7 superbes interprètes qui ont joué dans ses créations antérieures, Maguy Marin livre une pièce manifeste, immense et profonde qui concentre tout son talent - sens du drame, du rythme, de la musique, des images, de la lumière - dans une invitation à se prendre par la main.
NI PRECHE, NI DISCOURS
Le collectif qui surgit est une solidarité tissée dans des actes singuliers, un corps « collaboratif » qui remue, recolle les morceaux d’un vase, se bat autour d’une table de banquet à coups de sauces et de peintures. On pense à un nouveau monde plus proche des partis pirates que de l’institutionnel. Salves est une pièce qui claque et nous tire de l’endormissement. Éblouissant !
Carine Bel
ZEROQUATRE N°10
notre dossier : "Publions les artistes"
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